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Ecrire

La Question de l'autre dans le roman haïtien contemporain

 

Analyser la représentation de la société dans le roman haïtien

 

Un espace littéraire traversé de contradictions

 
       

Le roman haïtien décrit un espace littéraire, linguistique et social traversé de contradictions cardinales. Quatre d'entre elles retiennent ordinairement l'attention des chercheurs.
La première de ces contradictions concerne le statut même de la littérature haïtienne. Le premier roman haïtien repéré date de 1859 (1) et cette littérature dont l'histoire s'étend sur moins de 150 années, ce qui est peu, présente pourtant des textes de statuts très différents. Il semble difficile d'en construire une vue d'ensemble qui parvienne à considérer des textes écrit en Haïti et des textes écrits dans l'exil, marqués par des influences littéraires différentes ; des textes tournés vers des lecteurs extérieurs, des textes en recherche de lecteurs intérieurs, ces clivages ne se recoupant pas.
La seconde tient à l'exercice même de la littérature dans une langue littéraire sans arrêt en élaboration. Il ne s'agit pas ici de la distinction courante entre " fait de langue " et " fait de style ", mais d'un problème plus immédiat et qui n'est jamais tranché : le français et le créole n'ont pas le même statut, et ce terrain est celui d'un affrontement aigu depuis plusieurs décennies, même si les données du problème sont actuellement modifiées par la place grandissante de l'anglo-américain dans la société haïtienne (2). Ecrire un roman, en Haïti plus qu'ailleurs, exige de l'écrivain qu'il construise une solution à ce problème. L'apparente homogénéité du rapport entre les deux langues qui, pour la critique française, est un signe d'haïtiannité, mérite une attention plus soutenue : Roumain, par exemple, tente une pratique d'acculturation, Jacques Stephen Alexis opère une relative mise à distance de l'une par l'autre, Franketienne traduit ses textes de l'une vers l'autre, Fignolé constitue le montage et l'acculturation comme objets d'écriture, pour ne mentionner que les pratiques de ces quatre écrivains dont l'activité couvre la période que nous nous proposons d'étudier.
Troisième champ de contradictions, la question du fonctionnement de la société haïtienne. Comme le remarque Hoffmann, les romanciers haïtiens, plus que les romanciers étrangers, s'attachent à scruter leur société et à la critiquer (3). Le roman haïtien s'attache à une activité de mimésis, mais pour mieux ancrer la fable dans le tissu du vraisemblable. Or la représentation de la société est un point particulièrement délicat en Haïti, dans la mesure où cette société est sensible à une fracture sans cesse dénoncée mais constamment reproduite entre " Noirs " et " Mulâtres ". Le projet constant de cette littérature est de montrer, voire de fonder, la conscience d'une identité haïtienne. Celle-ci ne se laisse pourtant jamais appréhender et la perception de soi et de l'Autre est sans arrêt décalée par rapport à celle de lui et de soi par l'Autre. Cette situation somme toute assez courante est cependant à considérer ici comme un héritage de la société de plantations. Enfin cette question, couramment évoquée sous l'expression de la question de couleur, si elle est souvent au centre du roman haïtien, n'est que très exceptionnellement abordée de front.
La dernière de ces contradictions n'est pas la moindre. Pour qui écrit-on, quand on est un écrivain haïtien ? La perspective historique adoptée par Maximilien Laroche (4) permet de répondre à cette question. Elle montre d'une part que la question de l'identité est liée à celle du lectorat et d'autre part que la question du destinaire est sans doute le point de rencontre de toutes les recherches menées par les écrivains haïtiens.
Notes `
1 Emeric Bergeaud, Stella, roman, Paris, E. Dentu, 1859.
2 Hoffmann, Haïti : l'être et lettres, Toronto, Editions du GREF, 1992 ; voir en particulier tout le premier chapitre.
3 Hoffmann, Le Roman haïtien. Idéologie et structure, Sheerbrooke, Editions Naaman
4 Maximilien Laroche, La Littérature haïtienne. Identité, langue, réalité, Ottawa, les Editions Léméac, 1981.

 

bibliographie

 

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